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Une transition écologique nécessaire pour sortir d’un système agricole trop inéquitable

  • 08.12.25

Pour un modèle agricole durable, équitable et résilient face au changement climatique.

En 2024, le Shift Project a publié les résultats d’une consultation des agriculteurs et agricultrices français quant à l’avenir de leur métier. Si plus de deux tiers d’entre eux se disent satisfaits de leur métier, plus de 9 sur 10 sont inquiets des impacts du changement climatique pour l’avenir de leur travail : «  Avant, on disait qu’on perdait une récolte tous les 20 ans, puis tous les 10 ans, aujourd’hui c’est tous les 3 ans. » 

Le système agricole, tel qu’il est aujourd’hui, s’épuise : les limites planétaires sont dépassées et les agriculteurs et agricultrices du monde ne parviennent pas à vivre dignement de leur travail. La transition agricole est donc nécessaire pour aller vers des systèmes durables.  Mais cette mutation se heurte à un obstacle majeur : le revenu. Pour 81 % des agriculteurs et agricultrices, le frein financier empêche l’adoption de nouvelles pratiques.

L’étude du Shift Project le montre : les agriculteurs et agricultrices appellent à un changement de pratiques pour se tourner vers un mode de production plus durable, mais ont besoin d’un soutien politique, financier et administratif pour y parvenir, sans quoi ils et elles n’ont pas les moyens d’investir dans cette transition.

Un système agricole à bout de souffle 

Le modèle agricole actuel, développé autour d’une priorité aux exportations compétitives, donc acceptant une forme de dumping environnemental et social via un libre-échange agricole croissant, est aujourd’hui un modèle qui s’essouffle, rendant les producteurs et productrices davantage vulnérables.

En effet, ce système intensif et productiviste a pour objectif la croissance continue des volumes en soi, et à un coût faible. Pour y parvenir, les producteurs et productrices ont recours à divers moyens : intrants phytosanitaires dangereux pour la santé ou monocultures qui appauvrissent les terres par exemple. Ces méthodes, peu résilientes face au changement climatique accentuent la précarité du monde agricole.  

De plus, la forte concurrence avec le marché international fragilise les exploitations familiales locales et l’agriculture paysanne au profit d’une agriculture intensive et productiviste, c’est le cas notamment du modèle dessiné entre l’accord entre l’UE et le Mercosur.

Comme le constate le Shift Project les agriculteurs et agricultrices sont confrontés à plusieurs difficultés, notamment :

  • une faible rémunération pour un nombre important d’heures travaillées, 
  • un manque de reconnaissance de leur métier, 
  • un sentiment d’isolement, 
  • un fort risque pour leur santé, 
  • des rendements incertains et une pression des marchés, 
  • une pénurie de main d’œuvre - notamment dans la transmission, 
  • une complexité administrative
  • une augmentation des prix du foncier.

Des agricultures du Nord et du Sud face aux défis du changement climatique

Ce système agricole à bout de souffle est de plus confronté à un nouveau défi :  le dérèglement climatique et ses impacts concrets sur les écosystèmes agricoles et les conditions de production. Alors que le secteur agricole est responsable de 20% des émissions mondiales de gaz à effets de serre, les producteurs et productrices doivent relever le défi de nourrir le monde tout en diminuant leur l’impact environnemental.

Dans les pays dits “du Sud” comme dans les pays dits “du Nord”, les  producteurs et productrices sont dans la même impasse : le modèle agricole aujourd’hui ne leur permet plus d’envisager l’avenir sereinement. 86% d’entre eux sont inquiets, voire très inquiets du changement climatique ainsi que de ses effets qui représentent un danger pour la viabilité de leur exploitation. (Source : shift project)

Par ailleurs, les pays du Sud global situés dans la ceinture intertropicale rencontrent des défis bouleversements climatiques similaires (sécheresses, inondations, fragilisation des sols, catastrophes naturelles), leur intensité est bien plus importante qu’en zone tempérée, et s’accompagne d’épisodes de famines ou d'épidémies.

Dans ce contexte, comme le montre l’étude du Shift Project, les agriculteurs et agricultrices français souhaitent un changement de modèle : 

  • 88% sont prêts à réduire l’usage de produits phytosanitaires, 
  • 92% sont prêts à mettre en place une autonomie alimentaire des élevages. 

Ce qui semble leur manquer aujourd’hui, ce n’est pas la volonté d’agir, mais les moyens financiers pour le faire. La pression du marché mondial et de la concurrence internationale, notamment, entrainent leurs revenus vers le bas. Ainsi, 94 % des agriculteurs français se disent prêts à investir dans la transition, mais leurs revenus trop faibles ne leur en donnent pas les moyens. Faute de capacité d’investissement et face à cette pression, l’usage d’intrants phytosanitaires et la production en monoculture reste souvent la norme pour garantir une réponse satisfaisante au marché et survivre.

La transition est donc souhaitée par les producteurs et productrices, et selon de nombreuses études semble possible [1], mais elle ne peut se faire sans une volonté forte des pouvoirs publics et un appui général. Les demandes sont les mêmes dans les pays dits “du Nord” comme “du Sud” : 

  • Une augmentation significative de la rémunération pour garantir la pérennisation du métier et une stabilité financière nécessaire à l’investissement dans la transition.
  • Un réel besoin d’une politique de la transition mettant en place des dispositifs financiers d’accompagnement au changement via des aides ou une fiscalité préférentielle.
  • Une co-construction des solutions entre les producteurs et productrices et les pouvoirs publics.

Seule une combination de ces dispositifs pourra permettre aux producteurs et productrices d’entamer une transition agricole, sans compromettre leurs revenus et leur production. 

Des solutions traditionnelles qui passent à côté de l’enjeu central : le revenu

La crise agricole est un sujet majeur, dont les pouvoirs publics, notamment en France tentent de se saisir. Cependant, la majorité des mesures prises année après année, évitent un enjeu phare, celui du revenu. Retour sur trois textes de loi majeurs votés ces dernières années en France :

  • EGalim : Votée suite à la mise en place des États Généraux de l’Alimentation, la loi EGalim avait pour objectif de garantir la résilience du modèle agricole à travers plusieurs mesures : augmentation des revenus des agriculteurs ou encore favoriser l’économie circulaire. Pourtant la loi EGalim est en dessous des attendus : aucune mesure ne garantit la juste rémunération, ni n’oblige un pourcentage obligatoire de commerce équitable dans la commande publique, ni ne permet à la collectivité ou à l’État de communiquer sur sa contribution réelle au maintien des agriculteurs. 
  • LOA : La Loi d’Orientation Agricole, adoptée en 2025 est bien en deçà des attentes du monde agricole : alors qu’elle est supposée poser le cadre pour les années à venir, elle n’évoque pas la question du revenu. A titre d’exemple, aucune compensation n’est prévue pour limiter le recours aux pesticides.  Cette loi contribue à la poursuite du système agricole intensif et ne permet pas de mette en place des mesures pour accompagner durablement les agriculteurs vers une transition agricole. 
  • Loi dite “Duplomb” : Promulguée en août 2025, cette loi devait répondre à la colère agricole et aux enjeux de simplification. Elle permettait notamment la réintroduction de pesticides comme l’acétamipride, pesticide toxique pour la planète et les humains, dont les agriculteurs sont en première ligne. Une fois encore, aucune mention n’était faite au revenu, élément clé pour soutenir la transition. 

Quels modèles pour demain ?

Si le modèle aujourd’hui est un modèle épuisé, la transition ne peut se faire qu’à une condition, essentielle : la garantie d’un revenu minimum, la garantie d’une prise en compte réelle des coûts de productions durables dans la transaction de vente de la matière première agricole. Cette “garantie” ou une forme de sécurité, de prévisibilité sur ce plan, permettrait de donner aux producteurs et productrices une stabilité, et encouragerait les investissements dans la transition agricole. Sans compter tout simplement le maintien de l’agriculture sur des territoires où elle est menacée de disparaitre peu à peu.

Les filières de commerce équitable ont expérimenté des mécanismes efficaces en la matière. Le cahier des charges du label Fairtrade/Max Havelaar démontre depuis plusieurs décennies qu’une sécurité économique et du revenu amélioré peut assurer, ou en tout cas sérieusement contribuer à cette transition agricole. Ce modèle de filière est caractérisé par :

  • une juste rémunération des producteurs et productrices, notamment via le calcul d’un prix rémunérateur minimum (les “prix plancher”) ;
  • le respect d’un cahier des charges en matière de normes environnementales et sociales ;
  • une prime  de développement qui peut, à la décision des producteurs, financer des investissements écologiques ou nécessaires à la transition vers des modèles résilients. 

Le commerce équitable garantit aux producteurs et productrices des débouchés, tout en restant compatible avec les limites planétaires. 

Cette transition sera bénéfique pour tous et toutes  en amélioration des conditions de travail pour les producteurs, garantissant une alimentation plus saine pour les consommateurs et en permettant la préservation de l’environnement qui garantit un avenir durable.