L’agroforesterie dynamique : une voie durable pour les cacaoculteurs ghanéens
Une nouvelle approche agricole qui régénère les sols, protège les forêts et diversifie les revenus des producteurs et des productrices de cacao.


Au Ghana, le cacao représente près de 10 % du PIB et fait vivre plus de 800 000 producteurs et productrices. Pourtant, ces dernières années, la filière cacao ghanéenne traverse une crise multidimensionnelle : effondrement du prix à la production, vieillissement des plantations, épuisement des sols, effets du changement climatique, dévaluation rapide de la monnaie nationale et propagation de maladies comme le Cocoa Swollen Shoot Virus Disease. Cette précarité croissante pousse de nombreux cultivateurs à étendre leurs cultures dans des zones forestières, menaçant les derniers massifs naturels du pays et aggravant la déforestation.
Dans ce contexte, le projet GAIM (Ghana Agroforestry and Income Model) s’inscrit comme une réponse innovante à ces défis interdépendants. Il propose de repenser les systèmes agricoles à travers l’agroforesterie dynamique, une pratique qui conjugue performance écologique et diversification économique. L’objectif ? Renforcer la résilience des agriculteurs et des agricultrices face au changement climatique tout en préservant les écosystèmes forestiers.
À travers cette série d'articles, nous vous proposons de plonger dans les enjeux, les pratiques, les résultats et les ambitions du projet GAIM, pour mieux comprendre comment une transition agroécologique peut répondre aux défis globaux posés par une culture aussi précieuse que fragile : le cacao.
Repenser l’agriculture avec l’agroforesterie dynamique
Pour faire face à l’épuisement des sols, à la perte de biodiversité et aux effets du changements climatique, les producteurs de cacao ne peuvent plus se contenter de solutions agricoles classiques. L’agroforesterie dynamique propose une autre manière de produire : plus respectueuse de l’environnement, plus résiliente face aux aléas, et plus diversifiée.
Une approche régénérative, à la différence de l’agroforesterie « classique »
Contrairement à l’agroforesterie dite « classique » - où les arbres sont souvent plantés en périphérie des cultures, sans interaction forte – l’agroforesterie dynamique s’inspire directement des mécaniques d’une forêt en pleine santé. Elle combine différentes espèces (vivrières, fruitières, bois d’œuvre, cacaoyers), selon leur rythme de croissance et leur rôle écologique : apporter de l’ombre, fixer l’azote, structurer le sol, retenir l’humidité, protéger du vent, nourrir la biodiversité...
Les cultures sont densifiées et plantées principalement pendant la saison des pluies (avril à juillet), pour assurer leur survie.
Des bénéfices environnementaux à grande échelle
Le Ghana connaît des épisodes de sécheresse de plus en plus longs et intenses. En 2024, jusqu’à 60% des jeunes plants ont été perdus sur certaines parcelles.
Face à cette situation critique, les actions menées commencent déjà à porter leurs fruits. Les résultats observés sur le terrain sont déjà visibles :
- Les sols sont enrichis naturellement grâce aux apports organiques (feuilles, racines et débris végétaux).
- L’érosion est freinée par la couverture végétale permanente.
- L’humidité est conservée, ce qui améliore la résistance à la sécheresse.
- Le stockage de carbone est renforcé, contribuant à l’atténuation du changement climatique.
- La biodiversité revient : insectes pollinisateurs, oiseaux, vie microbienne du sol.
Cette approche permet aussi de limiter la pression sur les forêts, en évitant que les productrices et les producteurs ne défrichent de nouvelles zones boisées pour cultiver davantage de cacao.
L’agroforesterie dynamique, couplée à des techniques comme l’irrigation par troncs de bananiers, permet de conserver l’humidité au sol, de réduire les pertes et de renforcer la résilience des cultures.
C’est un levier précieux pour permettre aux productrices et aux producteurs de continuer à vivre du cacao dans un climat qui change.
L’agroforesterie dynamique ne se contente pas de produire : elle régénère.
Sur le terrain : une parcelle devient un écosystème vivant.
Dans la région d’Ahafo, à 126 km du Kumasi, 53 hectares de parcelles ont déjà été convertis à l’agroforesterie dynamique dans le cadre du projet GAIM. Les plantations suivent un modèle précis :
- 200 arbres de bois d’œuvre ;
- 192 arbres fruitiers ;
- 832 cacaoyers
- 832 bananiers plantains par hectare
Entre ces cultures de long terme, on trouve des cultures vivrières à cycle court : maïs, niébé, manioc ou encore igname.
Ces dernières sont plantées pendant la saison des pluies (d’avril à juillet), afin de maximiser leurs chances de survie.
Les premiers résultats sont encourageants : le maïs et le niébé ont déjà été récoltés, tandis que les autres cultures sont attendues d’ici un à deux ans. Les arbres fruitiers : manguiers, avocatiers, citronniers, cocotiers, commenceront à produire après 4 à 5 ans.
Diversifier pour survivre : sécurité alimentaire et revenus complémentaires
Cette diversification des cultures présente un double avantage pour les producteurs :
- Sécurité alimentaire : les familles consomment une partie des cultures, diversifiant leur alimentation et réduisant leurs dépenses.
- Revenus complémentaires : le surplus est vendu localement, permettant d’amortir les périodes où le cacao n’est pas récolté (janvier à mars et juin à août).
L'agroforesterie dynamique répond ainsi à des enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
Mieux produire, mieux vendre : structurer les débouchés des cultures associés
Pour que cette transition soit durable, le projet GAIM prévoit une série de formations à destination des organisations de producteurs. Celles-ci porteront sur :
- La création de plans d’affaires pour les cultures diversifiées ;
- La commercialisation des surplus agricoles ;
- L’optimisation des outils de production, stockage et transport.
En parallèle, une étude sera développée pour analyser l'impact de cette méthode d'agriculture comme outil de diversification des revenus des producteurs et productrices et d'optimisation de la production agricole et l'intégration au marché (exemple : l'élaboration de calendriers de plantation axés sur le marché afin de maximiser la rentabilité.).
L’objectif est clair : ancrer durablement l’agroforesterie dans le modèle économique local, au service des coopératives et des communautés rurales.
L’agroforesterie dynamique, une transition juste et durable en marche
Loin d’être une simple technique de plantation, l’agroforesterie dynamique est une approche globale, où l’environnement, les revenus agricoles et la souveraineté alimentaire vont de pair.
Grâce au projet GAIM, plus de 1 200 productrices et producteurs de cacao vont bénéficier de cette transition sur trois ans. Une dynamique vertueuse est en marche au Ghana.
RESSOURCES
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