Le mouvement du commerce équitable appelle les eurodéputés à saisir l’opportunité de renforcer la CSDDD lors du prochain vote en plénière
Déclaration conjointe
Télécharger le communiqué de presseBruxelles, le 22 October 2025. À la suite de la décision prise aujourd’hui par le Parlement européen de soumettre au vote en plénière le texte de la Commission des affaires juridiques (JURI), le mouvement du commerce équitable voit un certain potentiel d’amélioration dans la CSDDD (directive sur le devoir de vigilance des entreprises). Cependant, nous sommes profondément inquiets que ce nouveau tournant du processus ne fragilise encore davantage la position du Parlement européen, mettant ainsi en grave danger les petits producteurs, artisans, travailleurs et entreprises responsables à travers les chaînes d’approvisionnement mondiales.
"Les chaînes d’approvisionnement sont sous pression. Les agriculteur·rices font face à la sécheresse. Les ouvrier·es d’usine endurent des chaleurs extrêmes. Pourtant, les revenus restent bien en dessous du seuil nécessaire à une vie décente. Avec ou sans législation, ces problèmes sont réels. La question que nous posons avant la plénière est la suivante : les eurodéputé·es saisiront-ils cette chance pour construire un filet de sécurité, ou enverront-ils le message suivant : ‘Débrouillez-vous seuls’ ?'”
Alena Kahle, Coordinatrice principale des Politiques et Projets, Fair Trade Advocacy Office (FTAO).
Nous avons salué les améliorations apportées à la proposition initiale de la Commission européenne, notamment la reconnaissance de la nécessité d’une approche fondée sur les risques et la mise en place de garanties minimales contre un désengagement irresponsable des entreprises. Néanmoins, le mouvement du commerce équitable espère que les délibérations supplémentaires du Parlement renforceront sa position et garantiront que la directive tienne sa promesse : protéger les droits des petit·es producteur·rices, les travailleur·ses, les artisan·es et les entreprises responsables à travers les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Depuis des années, les entreprises identifient les risques dans leurs chaînes d’approvisionnement. Prioriser et canaliser les ressources vers les risques les plus graves permet d’agir efficacement pour prévenir, atténuer et réparer les violations graves des droits humains et les atteintes à l’environnement. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de perdre ce fondement clé des Principes directeurs des Nations unies dans les prochaines négociations.”
Meri Hyrske-Fischer, Conseillère principale en Droits Humains, Fairtrade International.
Ce vote intervient à un moment où les citoyen·nes réclament une plus grande responsabilité des entreprises. Plus de 75 % des citoyen·nes de l’UE souhaitent que les entreprises soient tenues responsables des violations des droits humains et des atteintes à l’environnement dans leurs chaînes de valeur. Pourtant, alors que de nombreux pays à travers le monde renforcent leurs obligations de vigilance, l’Union européenne risque de prendre du retard. Le mouvement du commerce équitable s’inquiète en particulier du fait que la position de la commission JURI, négociée par le rapporteur M. Jörgen Warborn (Groupe du Parti populaire européen), soit beaucoup trop faible sur plusieurs points essentiels pour garantir la résilience des chaînes d’approvisionnement, notamment:
Exclusion de la majorité des entreprises, en limitant le devoir de vigilance aux entreprises de plus de 5 000 employé·es et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Ceci pourrait réduire de 70 % le nombre d’entreprises concernées par la directive – un champ d’application déjà restreint lors des précédentes négociations – sapant ainsi son objectif et pénalisant les entreprises ayant déjà investi dans la vigilance.
Absence de rétablissement complet des garanties en matière de désengagement responsable, ce qui pourrait encourager les pratiques de « cut’n’run ». Et ce, malgré la réintroduction de certaines protections supprimées par la proposition « Omnibus I », telles que l’obligation pour les entreprises de consulter les parties prenantes avant toute suspension, et la clarification selon laquelle une suspension commerciale ne peut être indéfinie.
Restriction du dialogue entre acheteurs et fournisseurs pendant l’identification des risques, en autorisant les entreprises à solliciter des informations auprès de leurs partenaires commerciaux uniquement « en dernier recours » lors d’évaluations approfondies. Pourtant, traiter les violations structurelles des droits - comme l’absence de salaires et de revenus décents - nécessite un dialogue ouvert sur des enjeux critiques tels que les prix, les pratiques d’achat et la traçabilité.
“Nous saluons le fait que le Parlement ait conservé certaines parties importantes de la CSDDD, mais il ne faut pas oublier que sa position supprime d’autres éléments essentiels, comme les garanties contre le “cut’n’run” des entreprises européennes et la facilitation d’un dialogue constructif entre acheteurs et fournisseurs. Les entreprises de commerce équitable en Europe, qui ont intégré la diligence raisonnable en matière de droits humains dans leur modèle économique, ont prouvé depuis des décennies qu’elles pouvaient être à la fois résilientes et compétitives. Affaiblir davantage la CSDDD ne ferait qu’accentuer la concurrence déloyale actuelle au détriment des entreprises responsables - et nuirait à la compétitivité, au lieu de la renforcer!”
Mikkel Kofod Nørgård, Coordinateur Régional, World Fair Trade Organization-Europe.
À l’approche du vote en plénière de novembre, le mouvement du commerce équitable exhorte les membres du Parlement européen à saisir cette opportunité cruciale pour corriger les graves lacunes du texte actuel de la CSDDD et à résister à toute tentative de l’affaiblir davantage. Nous appelons les eurodéputé·es à renforcer la directive en y introduisant des garanties essentielles qui reflètent la réalité des chaînes d’approvisionnement mondiales et les attentes des citoyen·nes de l’UE, en :
- Conservant l’approche fondée sur les risques, telle qu’approuvée par les commissions INTA et DROI, et reprise dans le texte final de la JURI ;
- Garantissant un désengagement responsable, en exigeant des entreprises qu’elles consultent les parties prenantes avant toute suspension de relations commerciales, et en imposant que toute rupture de relation soit effectuée de manière responsable ;
- Reconnaissant le rôle essentiel des ONG comme parties prenantes, conformément aux recommandations de la sous-commission DROI ;
- Facilitant une participation significative lors des évaluations de risques, en permettant aux entreprises de demander les informations nécessaires pour traiter les violations systémiques des droits (telles que l’absence de revenus et de salaires décents), tout en veillant à ce que ces demandes soient proportionnées, ciblées et menées dans un esprit de coopération.