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La position du Conseil sur la CSDDD trahit les producteurs et les entreprises responsables et risque de nuire à la résilience des chaînes d'approvisionnement.

  • 24.06.25
  • Droits humains

La version actuelle de la directive CSDDD menace les producteurs et affaiblit les engagements en matière de commerce équitable. Max Havelaar France alerte sur les risques d’un texte vidé de son ambition.

Une directive affaiblie par le processus Omnibus

Depuis février 2025, la Commission européenne a enclenché une réforme de simplification législative via le paquet Omnibus I, qui vise à réduire la portée de plusieurs textes, dont la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD). En avril, 41 organisations, dont des acteurs du commerce équitable, ont appelé les institutions européennes à maintenir une ambition conforme aux normes internationales pour garantir la résilience des chaînes d’approvisionnement.

Le mandat adopté le 24 juin par le Conseil de l’UE ignore ces alertes. Il institutionnalise un modèle défensif et bureaucratique, détaché des réalités humaines et économiques du terrain. Le texte entre désormais en négociation avec le Parlement européen, qui devrait adopter son mandat à l’automne. Le mouvement pour le commerce équitable exhorte les eurodéputés à se ranger du côté des producteurs, artisans, entreprises responsables et investisseurs, et à défendre une directive véritablement fondée sur les risques, couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur.

Une trahison des objectifs initiaux de la CSDDD

Le mouvement Fairtrade regrette l’accord politique conclu par les États membres, qui risque de démanteler des garanties essentielles pour les agriculteurs, les artisans et les travailleurs. La directive perdrait ainsi son potentiel de transformation des chaînes d’approvisionnement mondiales vers plus de justice et de résilience.

Si les efforts de simplification peuvent avoir du sens, plusieurs modifications spécifiques adoptées par le Conseil compromettent des principes fondamentaux de la conduite responsable des entreprises. Les premiers touchés seraient les 600 millions de producteurs agricoles et les millions de travailleuses du textile, souvent exposées à des conditions de travail précaires.

Selon SOMO, les seuils relevés en termes d’effectifs et de chiffre d’affaires pourraient exclure jusqu’à 70 % des entreprises européennes. Ce choix saperait l’objectif même de la directive et pénaliserait les producteurs et entreprises qui ont déjà investi dans des démarches de diligence raisonnable.

« La compétitivité à long terme de l'Europe dépend de la mise en place de chaînes d'approvisionnement résilientes et équitables. Le Parlement européen dispose désormais d'une marge de manœuvre réduite pour corriger le tir et faire adopter une directive qui fixe des exigences minimales claires pour que les entreprises jouent leur rôle dans la protection des personnes et de la planète » - Alena Kahle, Fair Trade Advocacy Office

Un recul pour les entreprises responsables

La directive CSDDD pourrait contribuer à créer des conditions de concurrence plus équitables, en instaurant des règles claires en matière de droits humains et de durabilité. Cela permettrait aux fournisseurs de mieux comprendre les attentes des acheteurs et renforcerait la responsabilité des entreprises.

Mais depuis 2023, le champ d’application a déjà été réduit lors des premières négociations entre colégislateurs. Un nouvel affaiblissement rendrait le texte incohérent et inefficace. Le mouvement Fairtrade met en garde contre les risques d’un tel démantèlement.

« Les entreprises de commerce équitable ont démontré que des chaînes d'approvisionnement éthiques et durables sont non seulement possibles, mais aussi essentielles. Le recul en matière de diligence raisonnable nous place tous dans une position désavantageuse tout en récompensant les pratiques irresponsables. »Mikkel Kofod Nørgård, World Fair Trade Organization-Europe

Des chaînes d’approvisionnement durables menacées

Une vigilance limitée aux fournisseurs de niveau 1

Le Conseil a voté pour restreindre le devoir de vigilance aux seuls fournisseurs directs (niveau 1), sauf en cas de préjudice avéré en amont. Cette décision va à l’encontre d’une approche fondée sur les risques, soutenue pourtant par de nombreux acteurs économiques : Business for Nature, FoodDrinkEurope, UNPRI, ainsi que des entreprises et investisseurs internationaux.

Le mouvement Fairtrade alerte sur cette incompréhension du fonctionnement du devoir de vigilance : les risques majeurs ne sont pas forcément au premier niveau de la chaîne.

Une approche contraire aux normes internationales

Cette approche tourne le dos aux normes internationales comme les Principes directeurs des Nations Unies. Elle affaiblit la prévention, augmente les coûts à long terme, et isole les entreprises qui s’étaient déjà engagées dans de bonnes pratiques.

« S'écarter des Principes directeurs des Nations unies en se concentrant principalement sur les fournisseurs de niveau 1 n'aidera pas les entreprises à identifier les risques là où ils sont les plus présents. Cela détournera les ressources, ne réglera pas les problèmes en amont et, pire encore, privera les agriculteurs de soutien, les entreprises n'étant tenues d'agir que si elles disposent d'informations objectives et vérifiables. »Meri Hyrske-Fischer, Fairtrade International

Pourquoi la CSDDD doit inclure tous les acteurs de la chaîne de valeur ?

L’UE met en péril sa crédibilité en matière de durabilité

Bien que le texte du Conseil prévoie une clause de réexamen future, la limitation immédiate aux fournisseurs directs envoie un signal très négatif. Elle affaiblit la capacité de l’UE à défendre ses engagements internationaux sur les droits humains, l’environnement et le climat.

La résilience des chaînes d’approvisionnement européennes dépend de la capacité des entreprises à intégrer l’ensemble de leur chaîne dans leur stratégie de diligence raisonnable. Restreindre le périmètre de la directive nuit non seulement à cette ambition, mais aussi à la compétitivité de long terme de l’UE.

Des garanties essentielles supprimées par le Conseil

Le Conseil a supprimé plusieurs garanties fondamentales votées dans la première version du texte. Parmi elles, l’obligation de consulter les parties prenantes concernées avant toute suspension de relation commerciale.

Cette suppression ouvre la porte à des ruptures soudaines avec les producteurs, souvent considérés comme « à risque », sans qu’ils puissent être entendus ou proposer des solutions correctives. Une telle dynamique mettrait en péril leur survie économique.